Aryf MOUDACHIROU

Aryf MOUDACHIROU

A la decouverte du beninois

A la découverte du Béninois
28.10.2011 - Écrit
par Jérôme Carlos
Préjugé ou abus de langage ? On dit que le Béninois est
individualiste. Tout pour lui. Rien pour les autres. Et parce qu’il serait
bouffi d’égoïsme, il n’aime s’associer à personne. Il préfère jouer en solo.
C’est pourquoi, dit-on encore, quand le Béninois est près du but et qu’il est en
passe de marquer le but, il pourrait, contre toute attente, botter en
touche.
Voilà un procès fait au Béninois et qui le cloue au pilori. Beaucoup
de Béninois donnent le sentiment d’en assumer le verdict. Comme s’ils se
résolvaient, en manière d’autocritique, à accepter ce qui leur est
reproché.
Nous ne sommes pas prêts, quant à nous, à suivre ces Béninois. La
réalité est plus complexe. Il faut s’interdire de la simplifier. L’observation
de notre société, dans son fonctionnement, nous oriente vers le rejet de ce
supposé individualisme du Béninois. Les Béninois savent s’associer. Les Béninois
réalisent, ensemble, de grandes et belles choses.

Les Béninois sont par exemple très famille, si l’on peut dire. En ce que les
choses qui touchent à leur communauté de base ne les laissent presque jamais
indifférents. Ils s’investiront sans compter dans les baptêmes, dans les
mariages et dans les funérailles, avec force uniformes. Ce sont de grands
moments qui rassemblent les membres d’une communauté. Lesquels, par
l’affirmation d’un fort sentiment d’appartenance, communient à des valeurs
partagées.

C’est cet esprit famille qui se poursuit avec de grandes célébrations comme
le Nonvitcha, le rassemblement des Mahis de Savalou, le Gani à Nikki ou « la
Pâque ouidanienne » ?

Sur un autre plan, que de découvertes faisons-nous quand nous abandonnons les
sphères officielles sur lesquelles se concentrent les caméras de l’actualité
médiatique. Prospectons les marges de notre société. Celles qui se situent dans
les profondeurs de l’informel ou dans l’anonymat de la marginalité. Allons sur
les traces de la tontine par exemple. Ce sont des milliers de banques, bien de
chez nous, qui se ramifient et qui irriguent l’univers des affaires dans notre
pays. Si les Béninois n’aimaient pas s’associer, comme on veut le faire croire,
pourquoi cela marcherait-il ? Et Dieu sait que ça marche ! A côté, c’est plutôt
le microcrédit, produit officiel et d’importation qui grince et qui fait du
bruit.

Le Béninois signera des chèques sans provision, mentira à son banquier. Mais
jamais il ne trompera son tontinier. L’univers moderne de la banque est
impersonnel. L’argent du microcrédit est encore perçu comme l’argent de l’Etat
qui reste la plantation de Monsieur et de Madame tout le monde. L’univers de la
tontine est balisé de valeurs que nul ne saurait enfreindre impunément. Le
tontinier est un être de chair et de sang. C’est un autre soi-même. Rien de
comparable avec une entité abstraite comme une banque. Un établissement
financier ne sait identifier le client qu’à son numéro de compte. Toutes ces
considérations pour aboutir aux deux conclusions que voici.

Première conclusion. C’est faux : le Béninois ne rechigne pas à s’associer
aux autres ou à travailler avec les autres. Mais il est plus juste de dire que
le Béninois tarde à faire son entrée dans l’espace de l’entreprise moderne. Il
en ignore encore les règles et les principes fondamentaux. Il n’y retrouve ni
ses repères existentiels ni les valeurs que lui fait porter son éducation de
base. Entre le Béninois et l’entreprise de type moderne, il y a lieu de parler
d’un malentendu profond qui se traduit par un véritable choc de cultures. Dans
ce cas, le soi disant individualisme du Béninois est à tenir non pour un trait
de caractère, mais pour un moyen de défense. Juste une réaction contre ce qui
perturbe sa vision des choses.

Deuxième conclusion. L’entreprise de type moderne est à repenser en Afrique
en général, au Bénin en particulier. L’entreprise est à réinvestir d’un certain
nombre de valeurs qui tracent au Béninois, dans sa culture de base, un chemin de
destinée, tout en lui indiquant les frontières à ne jamais franchir. C’est le «
Gbê do su » des Fon. A redécouvrir. A réinterpréter à la lumière des réalités du
monde contemporain. A s’en servir, surtout, pour construire le Bénin de nos
rêves.



29/10/2011
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